
Nicolas Gagnon, enseignant, compositeur et auteur du livre Une musique à ta portée – Guide pour la mise en page de partitions musicales
Cet article regroupe des normes qui font consensus dans le livre de Nicholl et Grudzinski (2007) et du Guide de préparation des œuvres pour nos compositeurs et nos compositrices (Centre de musique canadienne au Québec, 2021).
UN ENSEIGNANT DOIT ADAPTER SON MATÉRIEL
L’un des rôles de l’enseignant1 est d’adapter le matériel pédagogique en fonction de son cours et des besoins de ses élèves. Pour un enseignant de musique, cela nécessite souvent l’utilisation d’un logiciel de notation musicale afin de créer ou d’adapter une chanson ou une œuvre. Chaque personne choisit son logiciel (Dorico, Musescore, Sibelius) en fonction de ses besoins (chanson, orchestre) et de son budget, ou selon les outils offerts par son milieu d’étude ou de travail. Bien que les programmes de musiques au cégep et à l’université offrent des cours d’initiation à un logiciel de notation, ces cours se concentrent davantage sur l’utilisation du programme plutôt que sur la qualité de leur contenu. Lorsqu’une personne pose des questions afin d’obtenir des précisions sur des éléments de mise en page, il n’est pas rare qu’elle se fasse répondre « Fais ce qui te semble le mieux ». C’est semblable à l’élève qui demande à un enseignant comment improviser et à qui on répond : « Fais ce que tu veux, pourvu que ça sonne bien ». Bien que l’affirmation ne soit pas totalement fausse, elle n’aide en rien l’apprenant qui souhaite approfondir ses connaissances. Que ce soit en lien avec l’improvisation ou la notation musicale, des règles existent en fonction des instruments, du style musical et du niveau des interprètes.
POURQUOI PRENDRE DU TEMPS SUR LA MISE EN PAGE ?
On peut penser à un texte qu’un politicien doit lire devant des journalistes : même s’il connait les rudiments de la langue, les erreurs de mise en page, de syntaxe ou de disposition peuvent nuire au message que ce dernier souhaite livrer.
Tous les éléments dans une partition jouent un rôle important pour la transmission du langage musical. Il ne suffit pas de se demander si toutes les informations sont présentes, mais bien de vérifier si elles sont faciles à lire et à comprendre afin que le musicien puisse en donner la meilleure interprétation possible. Cela est d’autant plus important pour des élèves qui apprennent à décoder le langage musical.
Il est vrai que certains détails ne prennent pas beaucoup de temps à expliquer lors des répétitions, mais l’accumulation de ceux-ci peut nuire au travail d’autres éléments : la précision rythmique de l’ensemble, l’équilibre entre les instruments, l’interprétation, etc. Ces détails sont d’autant plus importants si vous ne pensez pas être présent lors de chacune des répétitions, si les musiciens ont un temps de répétition restreint ou si vous avez besoin d’avoir une gestion de classe efficace.
LES INFORMATIONS DE L’ŒUVRE DANS LE HAUT ET LE BAS DES PAGES
Titre
Dans le haut de la première page, bien centré, on retrouve le titre. Le titre peut avoir une police en majuscule ou ne contenir que la première lettre en majuscule, il peut être en gras ou en italique avec le style de police qui vous convient, pourvu qu’il soit facilement lisible. En général, on garde quelque chose de standard (exemple 1). Pour une partition de musique jazz par exemple, on peut utiliser une police qui rappelle une écriture manuscrite. Pour une chanson pour enfants, on peut utiliser la police d’écriture de son choix pourvu que l’enfant puisse la lire. Il est également possible d’ajouter des images en lien avec le sujet de notre chanson ou de notre œuvre, comme le fait régulièrement le compositeur québécois Louis Desjarlais.
Exemple 1 : Les informations sur l’œuvre dans le haut de la première page
Sous-titre
Le sous-titre indique un mouvement ou une information complémentaire de l’œuvre. Sa police doit toujours être plus petite que celle du titre. Bien qu’on le retrouve principalement avec une police italique ou régulière (exemple 1), on le voit parfois entre parenthèses.
Dédicace, commande, artiste
Au-dessus du titre se trouve un espace réservé à trois éléments : la dédicace, le nom de l’artiste ayant chanté la chanson et les informations de commande (exemple 1).
- Une dédicace est le nom d’une personne qui a inspiré le compositeur et est habituellement dans une police italique plus petite que le sous-titre.
- Lorsque vous réécrivez la musique d’un ou d’une artiste comme Céline Dion ou Lady Gaga, il est possible d’écrire son nom au-dessus du titre dans une police régulière. Certains éditeurs l’inscrivent avec une police en majuscules.
- Juste au-dessus du titre, on trouve les informations de commande. Certains compositeurs reçoivent des commandes afin de célébrer ou de commémorer une personne, un lieu ou un événement. Certains ensembles commandent également une œuvre originale chaque année afin de promouvoir la musique actuelle. Dans cet élément, il y a plusieurs informations :
- Le nom de l’ensemble ou de la compagnie ayant commandé l’œuvre;
- Le nom de l’événement;
- Le nom de l’ensemble (et le chef) qui créera l’œuvre;
- Le lieu de la création;
- La date de la création.
Nom de l’instrument
Dans le coin gauche, en haut de la page, on inscrit le nom de l’instrument et sa tonalité (au besoin). Lorsqu’il s’agit d’un instrument transpositeur (trompette en si) ou d’un instrument qui pourrait être transpositeur (trompette en do), il est important d’inscrire la tonalité. La langue utilisée pour nommer l’instrument doit correspondre à votre langue d’enseignement. Si vous êtes dans une école francophone, il convient d’inscrire le nom de l’instrument en français, soit le nom que vous utilisez en classe (exemple 1). L’élève joue du cor et non du horn.
Auteur(e)/Compositeur(trice)
L’auteur est la personne qui a écrit le texte (poème, paroles de chanson) tandis que le compositeur est celui qui a écrit la musique ou qui a mis le texte en musique. Un arrangeur adapte une œuvre pour un ensemble (exemple : une pièce orchestrale arrangée pour piano) ou pour un niveau précis (exemple : l’arrangement d’un thème de musique de film pour des élèves du secondaire). Ces éléments s’écrivent au-dessus de la première portée, près de la marge de droite. Habituellement, on utilise une ligne par fonction. Bien que certains logiciels offrent la possibilité d’écrire le nom de l’auteur près de la marge de gauche, cette pratique n’est pas très répandue.
Dans le répertoire, on voit habituellement ces noms dans une police régulière. Lorsque l’œuvre est un arrangement, certains éditeurs mettent le nom du compositeur en gras et celui de l’arrangeur en italique. Ici, c’est un choix d’esthétisme ou d’édition (exemple 2).
Une erreur fréquente est de mettre le nom de l’artiste à la place des auteurs et des compositeurs. Ce n’est pas Céline Dion qui a composé la chanson L’amour existe encore, mais Luc Plamondon et Richard Cocciante. Ce n’est qu’un signe de respect pour leur travail de ne pas effacer leurs noms. Et pour un enseignant, cela peut être une porte d’entrée pour parler du droit d’auteur.
Arrangement et adaptation
Un enseignant doit parfois retravailler une pièce ayant déjà été arrangée, par exemple une œuvre pour harmonie scolaire qu’il faut adapter en fonction des instruments présents dans un groupe et des aspects à travailler. Dans ce contexte, on ne doit pas associer son nom à celui de la personne qui a fait l’arrangement. En écrivant « arrangé par Michael Sweeney et Nicolas Gagnon », cela implique que vous avez fait l’arrangement ensemble ou que vous avez contribué à une partie de l’arrangement. Est-ce qu’un chanteur qui modifie un peu la mélodie à quelques endroits ou ajoute une modulation pour le dernier refrain devient un co-compositeur ? Non, il fait une adaptation (exemple 2).
Exemple 2 : Disposition des noms du compositeur, de l’arrangeur et de l’adaptateur
Le copyright
Les indications sur le droit d’auteur, qu’on appelle aussi le copyright, se retrouvent centrées au bas de la première page de chacune des parties (exemple 3). On y retrouve plusieurs éléments :
- Le nom de la compagnie (s’il y a lieu);
- L’année de publication ou de composition;
- Les coordonnées de la compagnie ou du musicien (courriel, site internet);
- Le numéro de catalogue;
- L’indication « Tous droits réservés »;
- Etc.
Pour un enseignant qui réalise beaucoup d’arrangements, c’est un bon endroit pour inscrire l’année de l’arrangement. Un arrangement doit parfois être retravaillé d’une année à l’autre en fonction des instruments présents dans le groupe ou du niveau de certains élèves. En inscrivant l’année scolaire (2024-2025), la gestion des documents sera grandement facilitée.
Exemple 3 : Informations sur le droit d’auteur
Sur les autres pages
À partir de la deuxième page, tant dans la partie du chef que dans les parties séparées, il est important d’indiquer le nom de l’instrument (avec sa tonalité transposée au besoin) et le titre de l’œuvre. Cela aide le musicien dans la gestion de ses partitions.
Il est également important d’ajouter le numéro des pages dès la deuxième page. On retrouve ce numéro dans le haut des pages aux extrémités extérieures : chiffres pairs dans le coin gauche pour la page de gauche, et chiffres impairs dans le coin droit pour la page de droite (exemple 4).
Exemple 4 : Informations dans le haut des autres pages
INFORMATIONS ENTOURANT LA PORTÉE
Tempo
Au-dessus de la première mesure, il y a obligatoirement un chiffre accompagné d’une figure de note et/ou un terme (Allegro, Swing) afin d’indiquer la vitesse de votre œuvre. Tous les termes représentant une variation de tempo (rallentando, accelerando) ou un retour de tempo (a tempo, Tempo primo) se placent au même niveau que le tempo. Il est important de garder une logique horizontale, c’est-à-dire tous les mêmes éléments à la même hauteur, au-dessus de la portée (exemple 5). Pour une partition de chef, les indications de tempo se placent uniquement au-dessus de la première portée du système.
Exemple 5 : Informations au-dessus et sous la portée
Les accords
Les accords, avec ou sans tablatures de guitare, s’écrivent au-dessus de la portée (exemple 5). Il existe tant de possibilités dans la notation d’un même accord qu’il devient difficile de les énumérer toutes. Certains musiciens vont parler de la neuvième de l’accord alors que d’autres vont parler de la seconde. Néanmoins, il est important de choisir une seule approche et de la garder pour l’ensemble de la partition. Richard Ferland (2014, p. 58) propose dans son livre Harmonie-Jazz une approche concernant la notation des accords.
Indications techniques et de solistes
Les indications techniques (arco, pizz, legato, etc.) et les indications de soliste (solo, tutti, etc.) se retrouvent également au-dessus de la portée dans une police régulière. Si d’autres informations se retrouvent au même endroit (tempo, accord), il est important de placer les indications techniques le plus près possible de la portée ou des notes aigües (exemple 5).
Nuances
Les nuances sont les seuls éléments qui sont notés sous la portée. Après deux mesures de silence ou plus, il est important de réécrire la nuance même si elle n’a pas changé. Cela évite des questions au chef. Afin de les différencier des autres éléments, les nuances sont toujours écrites en caractère gras et en italique (exemple 5).
Écrire des nuances qui soient musicales
Les nuances doivent correspondre à l’intention demandée au musicien et non au résultat sonore entendu dans le logiciel de notation. Bien qu’il soit possible d’inscrire dans un logiciel un crescendo de cinq mesures afin de passer de la nuance p à la nuance mp, cette indication est contremusicale. Alan Belkin (2018), ancien professeur de composition à l’Université de Montréal, nous enseignait que les nuances n’étaient pas uniquement une indication liées au niveau de décibel, mais qu’elles présentaient également le caractère d’un passage. Ainsi, une nuance p indique de jouer doucement, mais aussi avec délicatesse. Un passage avec la nuance f indique de jouer fort et avec intensité. En général, les élèves répondent mieux aux nuances lorsqu’on leur indique l’émotion à transmettre plutôt qu’un niveau de décibel. Il en va également des limites et des possibilités de chaque instrument. Une trompette sera toujours plus sonore qu’une guitare classique non amplifiée.
Partition à 2 portées
Pour les instruments ayant deux portées, comme la harpe ou le piano, on inscrit les nuances entre les deux portées. Le changement de pédale de la harpe s’inscrit également entre les deux portées (exemple 6), tandis que l’indication pour la pédale de piano s’inscrit sous la seconde portée.
Exemple 6 : Disposition des indications musicales pour un instrument ayant deux portées
Exceptions pour des partitions vocales
Pour une partition vocale, seules les paroles s’écrivent sous la portée. Tous les autres éléments, comme les nuances ou les indications de tempo, se retrouvent au-dessus de la portée. On libère ainsi l’espace consacré aux paroles afin d’éviter au chanteur de se mélanger avec d’autres éléments de texte.
Dans le cas d’une partie pour chœur sur deux portées (soprano et alto sur la portée en clé de sol, ténor et basse sur la portée en clé de fa), on inscrit les paroles entre les deux portées. Toutefois, les nuances doivent être écrites au-dessus de chacune des portées en respectant une logique horizontale. Il est également préférable d’utiliser les signes reliés au crescendo et au diminuendo plutôt que d’écrire les mots ou leur abréviation afin d’éviter toute confusion au chanteur (exemple 7).
Exemple 7 : Exemple d’une partition pour chœur
NUMÉROS DE MESURE ET REPÈRES
Numéros de mesure
Pour la partie du chef, Matthew Nicholl et Richard Grudzinski (2007, p. 41) écrivent dans leur livre Music notation – Preparing scores and parts que « les numéros de mesures se retrouvent sous la dernière portée du système, centrée entre les barres de mesure » (traduction libre).
Les logiciels de notation permettent également d’ajouter un cercle ou un encadré autour de ces numéros (exemple 8). J’ai constaté dans les partitions pour orchestre et pour harmonie éditées dans les dernières années par Alfred Music et Hal Leonard qu’elles contiennent des numéros de mesure encadrés. Bien que ce détail ne soit pas une norme, je considère cette option comme étant la plus efficace. De cette façon, on distingue rapidement ces chiffres d’autres éléments. Lors d’une répétition avec un orchestre professionnel ou dans une salle de classe, chaque seconde économisée a son importance. Bien qu’il soit possible d’encercler les numéros, j’ai constaté que le cercle est plus rapproché des chiffres que l’encadré et que cela rend la lecture de ceux-ci un peu plus difficile.
Exemple 8 : Numéros de mesure dans la partie du chef
Pour les parties séparées ou pour une partition individuelle, on place le numéro de mesure au début de chaque portée, au-dessus de la mesure (exemple 9).
Exemple 9 : Disposition des numéros de mesure et des repères dans une partie séparée
Repères
Les repères sont les lettres ou les chiffres encadrés que l’on retrouve au-dessus de certaines mesures afin de présenter le découpage de la pièce. Pour des partitions de musique jazz ou des lead sheets, il est fréquent d’utiliser les lettres dans l’ordre alphabétique. C’est également l’approche de base utilisée dans le logiciel de notation Sibelius. Cependant, je ne recommande pas cette approche pour des partitions de grands ensembles (orchestre, harmonie). En utilisant le numéro de mesure en tant que repère, on accélère la pratique instrumentale et on indique le découpage de la pièce. Lorsqu’un chef dit « On reprend quatre mesures avant F », le musicien doit trouver l’endroit Si le chef indique simplement « Reprenons à la mesure 52 », cela devient plus précis pour le musicien et sa recherche de la mesure devient plus efficace. C’est également l’approche utilisée depuis quelques années par des éditeurs comme Alfred Music et Hal Leonard pour des partitions pour orchestre ou harmonie (exemple 9).
J’ai également constaté que plusieurs partitions du répertoire classique utilisent les repères, sans utiliser les numéros de mesure. Malheureusement, cela peut nuire lors des répétitions. Il est donc important de laisser les numéros de mesure lorsque vous utilisez des repères.
SIGNES DE REPRISE
Boites de reprise
Il est important que la première boite de reprise ne contienne pas plus de dix mesures et qu’elle n’inclue pas de repère : si c’est le cas, il est plus efficace de réécrire les mesures. Un chef qui fait trop de va-et-vient dans ses pages ne sera pas entièrement dédié à sa direction et aux indications qu’il souhaite donner aux musiciens. Lorsque des éléments de texte doivent être ajoutés (accords, éléments techniques), il est important de les placer dans la boite.
Concernant la seconde boite, elle ne doit contenir qu’une seule mesure. Allonger la boite n’ajoute aucune information. Finalement, les deux boites doivent être à hauteur égale si elles se retrouvent sur la même portée (exemple 10).
Exemple 10 : Présentation des boites de reprise
Coda
La coda peut se placer soit sur une nouvelle portée (parfois un peu décalée vers la droite), soit séparée de la mesure d’avant lorsqu’on la retrouve sur la même portée. Lors d’un renvoi vers un Dal Segno ou un Da Capo, il est important d’ajouter une double barre afin d’indiquer un changement de section (exemple 11).
Exemple 11 : Disposition d’une Coda
LES LIAISONS : UN MANQUE D’UNIFORMITÉ EN FRANÇAIS
Bien que les anglophones utilisent des termes spécifiques pour chacune des liaisons, on retrouve à travers les ouvrages francophones près d’une dizaine de termes pour les nommer. Je propose donc d’unifier ces termes en mentionnant le signe (liaison) et son application (phrasé, prolongation, résonance).
Liaison de phrasé
Alors que les anglophones utilisent le terme « slur », on dénombre dans les différents ouvrages une variété de termes pour la liaison de phrasé : coulé (Dahnauser, 1996), legato (Dahnauser, 1996), liaison (Abromont, 2001), liaison d’expression (Dorico – référence des notations, version 2.2.20), phrasé (École Vincent d’Indy, 2000).
La liaison de phrasé est utilisée pour lier différentes notes (exemple 12). Cette liaison a différentes approches en fonction de l’instrument qui doit la jouer :
- Pour un instrument à vent ou un chanteur, cela indique qu’il faut lier les notes dans un même souffle, soit le contraire du détaché.
- Pour un instrument de la famille des cordes frottées, comme le violon, cela indique qu’il faut jouer les différentes notes dans un même mouvement d’archet.
- Pour les autres instruments, comme les claviers, cela indique le phrasé musical.
Exemple 12 : Liaison de phrasé
Liaison de prolongation
La liaison de prolongation est utilisée lorsque deux notes se trouvant à la même hauteur sont liées (exemple 13). Cela indique qu’il faut prolonger le son sur le rythme suivant en additionnant la valeur des deux notes liées . Les anglophones utilisent le terme « tie » pour décrire cette liaison. Bien que Danhauser (1996) et l’aide en ligne du logiciel Dorico (Steinberg Media Technologies, s. d.) la nomment liaison de prolongation, plusieurs enseignants la nomment simplement liaison.
Exemple 13 : Liaison de prolongation
Liaison de résonance
Cette liaison est principalement utilisée pour des instruments comme la harpe ou des instruments de percussion (cymbale, timbales) lorsqu’un son doit prolonger sa résonance après l’attaque de la note et qu’il doit s’arrêter de lui-même.
Différentes appellations existent. Dans le livre Behind Bars, Elaine Gould (2011) parle de l’« open tie » qu’on pourrait traduire par « liaison ouverte ». Il est également fréquent de voir l’abréviation « l.v. », pour « laisser vibrer », dans certaines partitions. Afin d’uniformiser, je propose d’introduire le terme francophone « liaison de résonance ». D’un côté, on reprend le terme « liaison » qui fait un lien avec le signe utilisé et la traduction française de « tie »; de l’autre, on mentionne concrètement son application, soit la résonance du son jusqu’à son extinction naturelle (exemple 14).
Exemple 14 : Liaison de résonance
UN RYTHME BIEN ÉCRIT SERA BIEN COMPRIS
Parfois, un résultat sonore peut être écrit de différentes façons. Il vous convient de sélectionner l’approche rythmique la plus efficace. En général, écrire un rythme en fonction de la pulsation, principalement des temps forts, aidera vos musiciens. Voici cinq exemples où le rythme peut être écrit de deux façons et où j’explique pourquoi l’option B est la meilleure.
Rythme 1
Dans l’exemple 15, la différence est minime. Bien qu’un élève ayant quelques années d’expérience à l’instrument puisse rapidement comprendre l’option A, l’option B indique précisément chacun des temps. Cette seconde option est donc à privilégier avec des élèves s’initiant à la lecture de rythmes.
Exemple 15 : Rythme 1
Rythme 2
Certains logiciels de notation proposent une lecture rythmique qui ne correspond pas nécessairement à la métrique que vous avez choisie. Dans l'exemple 16, l’option A est davantage dans une écriture en 3/4 comparativement à l’option B qui regroupe les notes en fonction de la pulsation (indiquée sous la portée). Plusieurs erreurs sont à anticiper concernant la cohésion rythmique si vous donnez l’option A à vos musiciens.
Exemple 16 : Rythme 2
Rythme 3
Pour des métriques irrégulières, il est important d’imaginer la battue du chef. Dans une métrique en 7/8, il peut soit choisir de regrouper les croches selon le motif 3+2+2 ou 2+2+3. L’option A de l'exemple 17 est la proposition faite par le logiciel de notation Sibelius. Cependant, les liaisons favorisent une battue 2+2+3, comme présenté dans l’option B.
Exemple 17 : Rythme 3
Rythme 4
Reconnaitre rapidement les temps dans une mesure est important. Il est courant d’observer dans les partitions des rythmes ternaires présentés comme l’option A de l'exemple 18. Il est cependant difficile de déceler où se situent les temps (écrits sous la mesure). Dans ce cas, il est plus efficace que les ligatures (barre reliant les notes entre elles) relient les hampes et passent au-dessus des demi-soupirs, comme dans l’option B.
Exemple 18 : Rythme 4
Rythme 5
Plusieurs partitions vocales du répertoire classique relient les ligatures lorsque le son doit être soutenu sur plus d’une note et séparent chacun des rythmes lorsque le chanteur doit changer de mots ou de syllabe (exemple 19, option A). Les choristes doivent cependant ajouter manuellement les ligatures sur leur partition afin de comprendre le rythme en fonction de la pulsation, un temps que le chanteur pourrait prendre pour avancer dans l’apprentissage de sa pièce et pour travailler son interprétation. Il est donc plus efficace d’utiliser l’approche de notation qui tient compte des temps. Lorsqu’un son est soutenu sur différentes notes, il suffit de mettre une liaison de phrasé (option B).
Exemple 19 : Rythme 5
LA PAUSE MULTIPLE
On retrouve la pause multiple (Abromont, 2001, p. 56) dans les parties séparées lorsqu’il y a plus d’une mesure en silence. Cela permet de réduire l’espace superflu sur la partition. Il est important de les couper lorsqu’il y a une information importante comme un changement de tempo, d’armure, la présence d’une double barre ou d’un repère. Certains logiciels de notation font ce découpage par défaut. Il est également possible d’ajouter les numéros de la première et de la dernière mesure en silence sous la pause multiple.
À la suite d’une pause multiple, il est important de réécrire la nuance, même si cette dernière n’a pas changé, afin d’éviter toute ambigüité. Il en est de même pour une indication technique qui ne soit pas le mode de jeu principal (exemple 20).
Exemple 20 : Pause multiple
EN CONCLUSION
Après avoir écrit votre partition, il convient d’effectuer quelques révisions :
- Toutes les informations sont-elles présentes (notes, nuances, éléments techniques, tempo, etc.) ?
- Les indications et les rythmes sont-ils faciles à lire et à comprendre en fonction du niveau de vos musiciens et du temps alloué aux répétitions ?
- Est-il facile de s’y retrouver (numéros de mesure, repères, espace entre les portées, nombre de mesures par portée, nombre de portées par page, etc.) ?
- Les parties séparées sont-elles écrites pour la même dimension de feuille ?
- Les instruments transpositeurs ont-ils une partition transposée pour leur instrument ?
- Les notes respectent-elles le registre et les difficultés techniques de l’instrument et du musicien ?
- Après plusieurs mesures de silence, la nuance est-elle réécrite ?
- Après plusieurs mesures de silence, l’indication technique qui n’est pas le mode de jeu principal (pizz, mute) est-elle réécrite ?
Depuis des milliers d’années, des compositeurs ont écrit à l’aide de signes et de symboles tous les éléments importants pour la transmission du langage musical qui a évolué avec les siècles et qui évolue encore avec l’avènement des instruments électroniques et des outils technologiques. C’est pour cela que certaines normes présentes il y a 50 ans ne sont plus d’actualité. En ce sens, on peut penser que de nouvelles approches seront développées dans le futur afin de rendre les partitions encore plus précises et efficaces. La partition demeure un outil important permettant à plusieurs musiciens d’apprendre, de transmettre, d’exprimer ou de raconter une émotion, une idée, une époque, une culture ou une histoire.
Pour plus d’informations, je vous invite à consulter mon livre Une musique à ta portée (Gagnon, 2024) consacré à la mise en page de partitions.
1 Afin de ne pas alourdir le texte, le genre masculin a été priorisé. Le genre féminin n’en demeure pas moins important, voire nécessaire, dans l’histoire de la musique.
RESSOURCES
Abromont, C. (2001). Guide de la théorie de la musique. Henry Lemoine.
Belkin, A. (2018). Musical composition: Craft and art. Yale University Press.
Centre de musique canadienne au Québec. (2021). Guide de préparation des œuvres pour nos compositeurs et nos compositrices. https://cmcquebec.ca/guide-de-preparation-des-oeuvres-pour-nos-compositeurs-et-compositrices
Danhauser, A. (1996). Théorie de la musique (édition revue et augmentée). Henry Lemoine.
École de musique Vincent d’Indy. (2000). Théorie de la musique. Éditions Vincent d’Indy.
Ferland, R. (2014). Harmonie-Jazz : une approche didactique. Chenelière Éducation.
Gagnon, N. (2024). Une musique à ta portée : guide pour la mise en page de partitions musicales. Productions Con Spiritu.
Gould, E. (2011). Behind bars: The definitive guide to music notation. Faber & Faber.
Nicholl, M. et Grudzinski, R. (2007) Music notation: Preparing scores and parts. Berklee Press.
Steinberg Media Technologies. (s. d.). Référence des notations. Dorico Elements 2.2.20. Consulté le 25 mars 2025 à https://archive.steinberg.help/dorico_elements/v2/fr/dorico/topics/notation_reference/notation_reference_introduction_c.html
BIOGRAPHIE
Enseignant de musique au secondaire et chef de chœur à la basilique St-Frédéric de Drummondville, Nicolas Gagnon est invité à de nombreux projets que ce soit en tant que compositeur, copiste, orchestrateur ou saxophoniste. Plusieurs de ses œuvres ont été éditées, incluant son livre consacré à la notation musicale Une musique à ta portée. Nicolas est titulaire d’un DEC en Composition et arrangement jazz (Cégep Drummond), d’un baccalauréat en Écriture musicale (Université de Montréal), d’un baccalauréat en Enseignement de la musique et d’un D.E.S.S. en Musique de film (Université du Québec à Montréal).