Laurent Bellemare, M.A. en musicologie.
Inukshuk construit sur la berge de Kuujjuarapik, là où la rivière se jette dans la Baie d’Hudson.
À l’été 2019, grâce à un concours de circonstances, j’ai été sollicité pour bâtir de toute pièce un camp musical de quatre semaines dans la communauté nordique de Kuujjuarapik/Whapmagoostui1. Plus spécifiquement, il s’agissait d’offrir un programme de musique aux enfants ayant un dossier à la clinique de pédiatrie sociale Minnie’s Hope. Comme pour la majorité des Québécois(es), j’en connaissais à l’époque très peu sur le Nord-du-Québec. Comme j’ignorais à peu près tout du contexte socioculturel d’accueil, l’organisation logistique et l’approche pédagogique de ma tâche étaient alors encore à préciser. Le projet comportait donc une grande part d’incertitude quant à son succès et sa continuité puisqu’il était sans précédent dans la communauté.
Il aura fallu près de trois ans et demi pour que l’expérience soit reprise en mars 2023, en conséquence de la pandémie. À travers ces deux séjours au Nunavik, j’ai pu tester bon nombre d’approches pédagogiques et développer un éventail de techniques pouvant se prêter à divers scénarios. Comme chaque enfant a son propre parcours et ses difficultés, la réceptivité à mon apport musical était très variable2. Néanmoins, il est clair que ces projets ont été bénéfiques et ont beaucoup de potentiel de développement. Il importe de préciser que je n’ai aucune formation en enseignement de la musique ni en musicothérapie. Toutes mes méthodes ont donc été puisées dans ma pratique musicale ainsi que dans mon parcours académique en musicologie. C’est dans un désir de partager cette expérience, essentiellement acquise sur le terrain, que j’écris ce compte rendu. J’espère qu’il pourra inspirer d’autres musicien(n)s et éducateur(-trice)s confronté(e)s à des situations pédagogiques hors du commun. Je débuterai par une brève présentation de la clinique Minnie’s Hope dans son contexte nordique desservant deux communautés, puis ferai le compte rendu des deux séjours d’enseignement. Suivront ensuite des réflexions sur les réussites et les enjeux de durabilité du projet.
Une clinique de pédiatrie sociale innovante
Lancée en 2014, la clinique de pédiatrie sociale Minnie’s Hope est une initiative unique au Québec3. Ce centre est localisé dans la communauté crie et inuite de Kuujjuarapik/Whapmagoostui, premier village de la côte ouest du Nunavik, et offre divers services de santé aux enfants de la communauté4. L’organisme est inclusif et n'accueille pas uniquement les enfants qui ont des difficultés, cherchant plutôt à guider chacun vers l’atteinte de son plein potentiel. Son approche holistique, axée sur l’intégration de la médecine pédiatrique à un programme ancré dans les valeurs familiales et traditionnelles, vise entre autres à aider les enfants en difficulté et à prévenir l’aggravation des problèmes sociaux chroniques vécus au sein des communautés nordiques5. Le personnel de Minnie’s Hope est particulièrement sensible aux aspects culturels invisibles, comme les croyances, le style de communication, l’éthique et la notion du temps. À cet effet, des aîné(e)s autochtones ont une présence permanente au centre et s’impliquent dans les suivis avec chaque enfant. La clinique offre ainsi un espace familier où les jeunes peuvent se développer et socialiser hors de l’influence de la délinquance, tout en bénéficiant d’un suivi médical et de diverses formes de thérapies adaptées à leur situation6. C’est donc dans l’objectif de bonifier son offre de services aux enfants que Minnie’s Hope a souhaité organiser un programme de musique.
Un projet d’enseignement expérimental (juillet et août 2019)
À l’été 2019, lors de ma première venue à Kuujjuarapik/Whapmaagoostui, il était convenu que ma conjointe soit embauchée comme assistante, me permettant ainsi de faire le voyage avec ma petite famille. La salle de concert Katittavik, lieu culturel malheureusement sous-exploité dans le village7, a été mise à notre disposition ainsi qu’une partie de son équipement. Dans les mois précédents notre arrivée, j’avais été mandaté d’organiser l’achat d’instruments de musique au nom de Minnie’s Hope avec un budget généreux. Une fois sur place, la commande constituée d’une batterie, d’un clavier, de guitares, de ukulélés ainsi qu’une panoplie de percussions et d’accessoires n’attendait qu’à être déballée et installée.
Nos premières rencontres avec les enfants visés par le projet se sont faites par grands groupes, occasions où nous avons pu sonder les jeunes sur leurs préférences musicales. À partir de la liste de chansons ainsi établie (la plupart des succès commerciaux de l’heure), nous nous sommes préparé(e)s à enseigner ces morceaux à divers instruments. La séparation des tâches s’est faite naturellement : je m’occupais d’enseigner les percussions, et ma conjointe, les instruments à cordes. L’enseignement du clavier était partagé. Dès la première semaine, le format du camp a commencé à se préciser. Nous passions la journée dans une salle remplie d’instruments, à recevoir des petits groupes d’enfants (entre 2 et 5). La plupart n’ayant jamais fait de musique, nous avons orienté les sessions selon leurs intérêts et leur curiosité. Ces sessions se sont déroulées à temps plein pendant quatre semaines, avec des activités spéciales de groupes en soirée deux fois par semaine8.
Si le projet dans sa globalité a été particulièrement apprécié par certains parents ainsi que par Minnie’s Hope, nous nous sommes toutefois heurté(e)s à quelques bémols. D’une part, il n’était pas optimal d’accueillir plus que 2 enfants à la fois. Le nombre d’enfants encourageait souvent un climat chaotique de jeu et de distraction que même à deux adultes nous ne pouvions contenir. Il aurait été préférable de focaliser notre attention sur un ou deux enfants, puisque c’est cette attention individuelle qui manque souvent à ceux-ci dans les autres sphères de leur vie. D’autre part, il nous aurait fallu avoir une semaine supplémentaire entièrement dédiée à la préparation du camp, pour rencontrer les enfants, comprendre leurs intérêts et mieux définir les objectifs du projet. En effet, alors que nous arrivions avec l’intention de faire un camp d’enseignement musical, nous avons réalisé sur place que les sessions s’inscrivaient davantage dans une logique d’initiation à la musique, voire d’art thérapeutique, que de réalisation musicale. Toujours est-il que certains enfants ont réellement appris, et ont même pu présenter un extrait musical devant leurs parents.
Devanture de la salle de concert Katittavik
Rebâtir le projet après la pandémie (mars 2023)
Fort de l’expérience acquise en 2019, mais rouillé par les années d’écart, je suis retourné seul à Kuujjuarapik/Whapmagoostui pour reprendre le projet en mars 20239. Cette fois-ci, mon assistante était une ancienne participante au camp musical, aujourd’hui adulte10. Logistiquement, le programme de musique a fait usage du même lieu et du même équipement11. J’avais toutefois une bien meilleure capacité d’anticipation de la nature des sessions musicales que j’allais offrir et avais donc déjà préparé un plan théorique me permettant de réagir à divers scénarios12. À ma grande surprise, la majorité des enfants assignés au camp musical étaient nouveaux, hormis quelques-uns qui avaient bénéficié du programme de 201913.
Pour mieux structurer le déroulement des sessions, il a été déterminé d’emblée que les enfants viendraient seuls, ou en paire si cela pouvait aider à leur confort. Des groupes de deux enfants ayant une influence positive l’un sur l’autre étaient donc privilégiés dans de tels cas. Cette approche s’est avérée fort efficace, me permettant d’adapter sur mesure le contenu des sessions et d’éviter la gestion d’un groupe. Sur une trentaine d’enfants au programme, la liste s’est naturellement réduite de moitié au fil des absences et du refus de certains enfants de participer14. Cela m’a permis de cibler les enfants qui bénéficiaient le plus clairement de cet apport musical et de les prioriser dans l’horaire, qui était flexible tout au long des deux semaines.
Sur le plan matériel, mon intention était encore une fois d’offrir une variété d’instruments plus ou moins communs. En 2019, j’avais amené trois didgeridous et acheté plusieurs percussions au stimulus tactile intéressant (tambour tonnerre, handpans miniatures, glockenspiel, etc.). Dans un même ordre d’idées, j’ai fait l’acquisition de stylophones15, d’un kalimba et de deux guimbardes pour Minnie’s Hope en vue de ma seconde visite. J’ai également amené un bol chantant ainsi qu’un thérémine afin d’élargir l’éventail de sonorités moins conventionnelles qui seraient directement accessibles aux enfants16. Cela dit, les points forts de cette édition étaient sans conteste la présence de deux batteries dans la pièce ainsi que de deux guitares électriques amplifiées. Le clavier, avec ses centaines de sons synthétiques, était aussi très apprécié.
Arrangement des instruments et du matériel
L’adaptabilité, la clé des petites victoire
Étant donné la courte durée de mes séjours, mon objectif pouvait difficilement être l’atteinte de résultats musicaux ou l’organisation d’une représentation publique. Cette perspective m’était bien acquise depuis l’expérience de 2019. Il s’agissait plutôt d’offrir des activités d’initiation à la musique que de donner des cours rigoureux. La reprise du projet en 2023 m’a toutefois permis de préciser davantage l’objectif de ma présence dans la communauté. J’ai choisi de prendre la posture d’un facilitateur, observant au départ les motivations et intérêts de chaque enfant pour ensuite le guider dans une direction qu’il avait idéalement choisie lui-même. Concrètement, cela implique de laisser l’enfant aller naturellement vers le ou les instruments qui l’intéressent, et de stimuler une discussion sur ses goûts musicaux, lesquels sont parfois rattachés à des films ou à des jeux vidéo. C’est à partir de ces données que j’orientais les sessions.
Ensuite, j’ai cherché à créer chez chaque enfant le sentiment le plus immédiat possible de réussite ou de gratification, pour démarrer un processus de renforcement positif motivant. Cela se traduisait souvent par l’enseignement d’une mélodie simple ou simplifiée issue d’une demande spéciale faite par l’enfant17. À la batterie, il s’agissait d’enseigner la structure de rythmes simples et passe-partout, pouvant être répétés en boucle18 . Pour la guitare, j’ai souvent travaillé avec les deux cordes les plus graves afin d’enseigner des séquences monodiques, ou harmonisées avec de simples power chords. À quelques reprises, il m’a été donné de jouer en duo guitare et batterie avec les élèves qui apprenaient plus rapidement. Cet esprit de simplification du matériel musical et de renforcement positif des acquis a été beaucoup mieux réussi en mars 2023.
Pour certains enfants, j’ai parfois dû camoufler des exercices de sensibilisation au rythme en jeux. En 2019, j’avais développé le jeu « suivre le métronome » consistant à courir partout dans le bâtiment au tempo de plus en plus aléatoire d’un métronome branché sur système de son. Aux percussions, j’ai pris l’habitude de faire un jeu d’imitation, échangeant avec l’enfant des séquences rythmiques aléatoires qui devaient ensuite être imitées de mémoire. Pour certains enfants, j’ai focalisé sur l’exploration des timbres du clavier électrique, ou encore l’exploration des instruments plus insolites. À son meilleur, cette dernière approche a donné lieu à quelques improvisations collectives. Dans un cas plus extrême, la batterie et le clavier ont principalement servi de défouloir supervisé.
Parfois, les enfants étaient trop gênés pour essayer les instruments en ma présence. Dans ces situations, je donnais quelques explications sommaires avant de quitter la pièce et de laisser les enfants s’approprier l’espace et les instruments sans moi. Dans un cas particulier, le microphone était davantage objet de curiosité que le reste des instruments. Son utilisation a ouvert la porte d’abord à un jeu d’imitation de voix de personnages, puis, dans un moment d’épiphanie, à une session de karaoké très amusante. Pour cet enfant, le karaoké est même devenu la formule gagnante. Toutes ces approches m’ont permis de travailler selon des dynamiques parfois diamétralement opposées d’un enfant à l’autre, à l’instar d’un coffre à outils dont on peut tirer une solution pour chaque problème.
Cependant, le rapport humain développé avec les enfants a été mon outil le plus précieux. De développer une complicité autour de la musique avec une personne bienveillante était parfois suffisant pour faire ressortir la motivation chez les participant(e)s. Cette observation m’a été particulièrement évidente chez les enfants à qui j’enseignais pour la seconde fois. La complicité déjà établie en 2019 permettait d’installer rapidement un climat de confiance et une ouverture chez l’élève. Je crois que c’est à cet égard que ma présence a été la plus appréciée, tant chez les élèves que chez les parents. Ces derniers m’ont parfois rapporté les commentaires positifs de leurs enfants quant aux sessions de musique, ce qui semble confirmer un bénéfice intrinsèque à la participation musicale, indépendamment des résultats artistiques.
Enjeux et postérité
Pour l’instant, la musique à Minnie’s Hope se limite à des activités plutôt individuelles et très concentrées lors de mes visites à Kuujjuarapik/Whapmagoostui19. Cela permet au minimum de donner accès à la musique aux enfants et, dans l’idéal, de s’approprier un peu la musique. Toutefois, ces camps musicaux demeurent ponctuels et les instruments de musique sont peu utilisés en dehors de ce contexte. Le camp musical dépend donc, à l’instar de suivis thérapeutiques divers, d’une expertise venue du sud du Québec. Comme Minnie’s Hope est un organisme de charité, ma venue dépend entièrement de subventions. Cependant, puisque la musique est une discipline fort plus libérale et subjective que l’orthophonie et la pédiatrie, j’ai espoir qu’elle pourrait s’ancrer davantage localement et ainsi moins dépendre de mes séjours éphémères.
Si la communauté compte plusieurs musiciennes et musiciens, celles-ci et ceux-ci ont généralement un horaire de travail déjà chargé qui ne leur permet pas de remplir un rôle analogue au mien à longueur d’année. Pourtant, il serait préférable de cultiver un suivi musical plus permanent. Peut-être faudra-t-il orienter les prochaines itérations du projet vers une passation du flambeau à quelqu’un de la communauté qui serait en début de carrière. Avoir été assisté par une jeune musicienne durant ce projet est vraisemblablement un pas dans cette direction. Je crois qu’il est plus important de savoir prendre le pouls de la communauté et de ses besoins que d’avoir un niveau musical professionnel. Certes, ma relative autodidaxie, mon parcours atypique de musicien et ma tendance à sortir des sentiers battus ont été un atout pour jeter les bases du projet. J’espère pouvoir désormais servir de moteur au développement d’un modèle adapté aux besoins de la communauté et qui pourra ensuite être utilisé et adapté par d’autres éducateur(-trice)s20.
Toutefois, la complicité qui s’est créée entre les élèves et moi n’est pas non plus à prendre à la légère. Le traumatisme de voir des gens partir de la communauté est bien réel, et ce scénario se produit régulièrement chez des gens qui s’installent temporairement dans la communauté pour y travailler. Peut-être que ma contribution pourrait demeurer bien présente au sein du programme de musique, quoique devenir complémentaire plutôt que de constituer l’entièreté du projet., Il faudrait notamment songer à intégrer des ateliers sur la percussion, les chants ainsi que l’accordéon ou le violon qui sont utilisés dans les musiques inuites et cries21. Cette expertise impliquerait forcément des savoirs locaux dans le processus d’éducation musicale. Bien que les enfants de la communauté aient souvent des goûts musicaux calqués sur la culture plutôt américaine très répandue en ligne et à la télévision, cela pourrait très bien se juxtaposer à une plus grande exposition à la musique traditionnelle. Cet ajout fournirait sans doute une vision plus équilibrée de ce que peut être la musique.
Vue lointaine de Kuujjuarapik/Whapmagoostui
Conclusion
Au fil de ces deux séjours à Kuujjuarapik/Whapmagoostui, je suis rapidement passé d’une dynamique d’enseignement de la musique à une formule plus hybride qui se situe quelque part entre l’éducation musicale et l’art-thérapie. Plus précisément, je rattache ma démarche à la notion « d’art thérapeutique » telle que définie par l’organisme montréalais Les Impatients22. Dans mon approche, les potentiels problèmes ou difficultés psychologiques auxquels les enfants peuvent faire face ne sont pas directement pris en compte, et je focalise toute l’attention sur la musique et sur ce qu’elle peut faire naitre chez eux. Je ne travaille donc pas dans une perspective de guérison pour laquelle la musique est un outil, mais vise plutôt à faire de la musique le point central. Si elle a lieu, la guérison n’est qu’une retombée positive, mais collatérale, de l’action musicale. Cette posture s’aligne avec les valeurs de Minnie’s Hope, qui ne souhaite pas reproduire les conditions froides d’un environnement clinique conventionnel.
Si l’expérience est amenée à se poursuivre, je souhaite parfaire ma connaissance de la culture et de l’histoire de la communauté. Même si tous ses membres et moi-même habitons techniquement la même province, la réalité au Nunavik est tellement différente de celle du sud qu’il y a un grand travail d’apprivoisement mutuel à faire. Ma démarche personnelle se poursuit peu à peu au fil de mes lectures, mais j’aimerais également apprendre activement l’une des deux langues et pouvoir au minimum formuler quelques phrases tant en cri qu’en inuktitut. Sans pouvoir nécessairement m’intégrer pleinement à un endroit que je ne fréquente qu’épisodiquement, je crois qu’il est important de réduire autant que possible le fossé culturel qui me sépare des élèves à qui j’enseigne. Si une telle sensibilité n’est pas toujours de mise pour enseigner, elle l’est indéniablement dans une communauté comme Kuujjuarapik/Whapmagoostui où les aspects relationnels humains sont au moins aussi importants dans le processus que les connaissances spécialisées. Dans le même ordre d’idées, j’espère pouvoir profiter de la présence occasionnelle des enfants à Montréal – habituellement liée à des rendez-vous médicaux –afin de leur faire découvrir ma réalité.
Finalement, le projet plutôt expérimental qui m’a jusqu’ici été confié laisse entrevoir un besoin insoupçonné d’épanouissement artistique hors des murs scolaires dans la communauté. Peut-être que le modèle développé à Kuujjuarapik/Whapmagoostui pourrait éventuellement être exporté ailleurs au Nunavik, où les communautés sont encore plus isolées. S’il y a espoir que les arts puissent contribuer à atténuer les problèmes systémiques qui blessent les communautés nordiques, il convient de chercher à accorder l’éducation musicale aux villages et à leurs habitant(e)s plutôt que l’inverse. Donner accès à la musique en région circumpolaire ne peut pas reposer sur le calque des pratiques courantes en éducation musicale au sud de la province. Pour trouver le modèle idéal, il y a encore beaucoup de questions à poser aux communautés ainsi qu’un grand travail exploratoire à faire.
1 Par le biais du bouche à oreille, le projet pilote a été porté à mon attention grâce à une erreur sémantique. À travers la chaine de communication, le mot « musicologue » a été substitué à « musicothérapeute ». Or, j’ai fait mes études en musicologie et non en musicothérapie.
2 Ces difficultés peuvent, par exemple, être liées à de l’autisme, des chocs post-traumatiques, des situations familiales difficiles, des handicaps physiques, de la délinquance ou une combinaison de ces facteurs.
3 Minnie’s Hope est un organisme de charité reconnu par la Fondation Dr Julien. Pour en savoir plus sur l’organisme, voir MacKinnon (2018) et Minnie’s Hope Social Pediatric Centre (2018).
4 Historiquement, l’endroit a été un point de rencontre entre le peuple cri et inuit. L’actuel village est plus tard devenu un poste de traite de fourrures, puis une base militaire canadienne et finalement un village sédentaire. Kuujjuarapik, le village inuit, relève aujourd’hui d’une administration provinciale alors que Whapmagoostui, le village cri, relève d’une administration fédérale. Cette dynamique fait en sorte que les villages sont dotés tant d’institutions distinctes (scolaires, municipales, policières) que d’institutions partagées (commerces, église, centres sportifs). Pour en savoir plus sur cette communauté, voir Ottertooth (s.d.); Qumay (1992) et Harvey (2018). Pour en savoir plus sur le Nunavik en général, voir Méthot (2019) et Rivet (2021).
5 Ces problèmes incluent notamment la consommation abusive d’alcool, le décrochage scolaire, la violence domestique et un taux croissant de suicides. Pour avoir des données précises sur les problèmes chroniques des inuits du Nunavik, voir Penney et al. (2009) et Qanuipippitaa? National Inuit Health Survey (2020).
6 Ces services incluent entre autres la thérapie par le jeu de sable, des activités de groupes accompagnées d’un repas et la consultation d’aîné(e)s du village pour l’inculcation des valeurs traditionnelles.
7 La mémoire collective rapporte souvent le concert de l’Orchestre Symphonique de Montréal de 2018 et les concerts de Fusion Jeunesse en 2018 et 2019. Toutefois, la salle est plus souvent utilisée comme substitut de cinéma pour projeter des films que pour présenter des spectacles d’art vivant.
8 Les groupes « Ungaluk » sont une période hebdomadaire de rassemblement où les enfants se retrouvent au sein d’un même groupe pour faire des activités positives. Le concept vise entre autres à prévenir un basculement vers la délinquance lors du passage de l’enfance à l’adolescence. Lors de notre séjour, ma conjointe y a présenté des activités d’éducation écologique et j’y ai animé des activités de fabrication d’instruments de musique à partir de matières recyclées. Pour en savoir plus sur le programme général Ungaluk Safer Communities au Nunavik, voir Nunatsiaq News (2016).
9 Ce choix s’expliquait entre autres par des questions budgétaires liées aux subventions et par des questions logistiques.Ce choix s’expliquait entre autres par des questions budgétaires liées aux subventions et par des questions logistiques.
10 À ce stade du projet, son rôle a été surtout d’être une présence pour les enfants participants. Elle a pu également accorder certains instruments, jouer ou improviser avec moi et les enfants ainsi que me remplacer brièvement au besoin.
11 Cette fois-ci, je me suis davantage permis d’utiliser l’équipement appartenant à Kattitavik, mis à la disposition de Minnie’s Hope. De fait, la configuration de l’espace comprenait une deuxième batterie ainsi que deux guitares électriques avec amplificateurs. La deuxième batterie s’est avérée extrêmement utile pour l’enseignement et pour permettre à plus qu’un enfant de jouer en même temps.
12 Il convient de préciser que plusieurs des activités que j’avais préparées n’ont pas été utilisées en fin de compte.
13 Pour certain(e)s participant(e)s de 2019, l’atteinte de l’âge adulte les rend désormais inadmissibles au programme de Minnie’s Hope. D’autres dossiers ont pu être fermés entretemps grâce à un épanouissement chez l’enfant ou à la demande des parents. De plus, certain(e)s participant(e)s de la première cohorte n’étaient pas du tout intéressé(e)s par le programme, ce qui justifiait de ne pas le leur imposer une seconde fois.
14 Les raisons des absences sont multiples : indisponibilité, convalescence, gêne, confusion par rapport au camp musical, refus des parents, fatigue, etc. Dans certains cas, des enfants ayant refusé de participer la première semaine ont changé d’avis après avoir visité la salle remplie d’instruments.
15 Synthétiseur miniature popularisé par David Bowie, John Lennon et Kraftwerk. Voir https://stylophone.com/
16 L’idée étant d’éviter d’utiliser l’intermédiaire d’une vidéo et d’ainsi permettre à l’enfant de faire l’expérience d’un instrument de manière directe, aussi inusité soit-il.
17 Certaines chansons passe-partout telles que Smoke on the Water de Deep Purple et Rock YouLike a Hurricane de Scorpions étaient récurrentes pour la guitare. J’ai également inventé des séquences simples de power chords pouvant être répétées et variées.
18 Lorsque la coordination des bras était plus difficile, je proposais le rythme de We Will Rock Youdu groupe Queen, une séquence de trois mouvements isolés et ne sollicitant qu’un bras et une jambe. Presque tous les enfants, peu importe leur âge et leur capacité d’attention, étaient capables d’exécuter ce rythme.
19 En effet, les activités musicales collectives ont été négligées, car jugées moins efficaces. J’aimerais toutefois pouvoir un jour exporter deux types de grands ensembles dans lesquels j’exerce ma pratique de musicien : le gamelan balinais et les percussions déambulatoires. Ces ensembles sont assez démocratiques en raison des niveaux de difficultés techniques variables selon l’instrument. La structure des pièces permet également de pratiquer en boucle des sections, sans s’arrêter, et d’ainsi pouvoir apprendre par le contact direct avec l’instrument et par l’imitation de son voisin. C’est une vision de l’apprentissage musical plutôt pragmatique, où le geste est plus important que les explications théoriques ou verbales. Même si amener un orchestre de gamelan au Nunavik est sans doute fort dispendieux et complexe, c’est un modèle qui pourrait bien se prêter au contexte culturel nordique. Pour en savoir plus sur la valeur pédagogique du gamelan, voir Clendinning (2020).
20 Pour une réflexion plus approfondie sur la justice sociale et l’équité en pédagogie musicale, voir Therrien Brongo (2023).
21 L’absorption des instruments et éléments stylistique de la musique irlandaise a notamment créé un style spécifiquement cri de jeu violonistique, similaire au développement de la musique traditionnelle québécoise. Par ailleurs, beaucoup de chansons en inuktitut et qui incorporent de l’accordéon sont également entrées dans le domaine de la musique traditionnelle inuite dans la conscience populaire. Les radios locales diffusent régulièrement ce répertoire.
22 Pour en connaitre davantage sur la nuance entre art-thérapie et art thérapeutique, voir Lavoie (2022).
Références
Clendinning, Elizabeth A. (2020). American Gamelan and the Ethnomusicological Imagination. University of Illinois Press.
Cree Communities of Quebec : Whapmagoostui (s.d.). Ottertooth. http://www.ottertooth.com/Native_K/whapmagoostui.htm
Harvey, Matisse (2018, 2 avril). Kuujjuarapik et Whapmagoostui : les jumelles hétérozygotes. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1092035/kuujjuarapik-whapmagoostui-autochtones-cris-inuits-nunavik-baie-hudson-ungava
Lavoie, André. (2022). L’art thérapeutique pour aider la santé mentale. Sélection Reader’s Digest. https://www.selection.ca/sante/vivre-sainement/lart-therapeutique-pour-aider-la-sante-mentale/
Les Impatients (2022). Cahier des artistes et art-thérapeutes responsables des ateliers aux Impatients. Document de travail.
MacKinnon, Catou (2018, 18 décembre). Minnie’s Hope, where culture and medicine go hand in hand. CBC News. https://www.cbc.ca/news/canada/montreal/minnies-hope-nunavik-child-health-quebec-north-1.4954548
Méthot, Kim (2019). Les Inuits du Nunavik : territoire, modernité et autodétermination. Les autochtones, aujourd’hui, 24(4). 31-34. https://id.erudit.org/iderudit/90500ac
Minnie’s Hope Social Pediatric Centre. (2018, 19 novembre). Minnie’s Hope Social Pediatric Centre in Kuujjuarapik-Whapmagoostui – Testimony for the Viens Commission. https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Documents_deposes_a_la_Commission/P-953.pdf
Nunatsiaq News. (2016, 13 juin). Nunavik’s crime prevention fund open for applications. https://nunatsiaq.com/stories/article/65674nunaviks_crime_prevention_fund_open_for_applications/
Ottertooth (s.d.). Cree Communities of Quebec : Whapmagoostui. http://www.ottertooth.com/Native_K/whapmagoostui.htm
Penney, C., S. Senécal et E. Bobet (2009). Mortalité par suicide dans les collectivités inuites au Canada : taux et effets des caractéristiques des collectivités. Les populations autochtones, 38(2). 311-343. https://doi.org/10.7202/044818ar
Qanuipippitaa? National Inuit Health Survey (2020, novembre). Key Findings of the Qanuilirpitaa? 2017 Health Survey. http://www.nrbhss.ca/sites/default/files/health_surveys/B-Qanuilirpitaa_main_results-2020-11-25-EN.pdf
Qumaq, Taamusi. (1992). Kuujjuarapik. Institut Culturel Avataq. https://www.avataq.qc.ca/fr/Les-Nunavimmiuts/Le-territoire/14-villages-et-1-communaute/Kuujjuaraapik
Rivet, France (2021). Nunavik. Dans L’Encyclopédie Canadienne. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/nunavik
Therrien Brongo, David (2023). Comment définir la justice sociale dans l’éducation musicale? Musique et pédagogie, 37(1). https://www.fameq.org/fr/page-detail/comment-definir-la-justice-sociale-dans-l-education-musicale
Biographie
Laurent Bellemare est détenteur d’un diplôme de maîtrise en musicologie à l’Université de Montréal. Actif comme musicien au sein de divers ensembles, il est notamment membre de l’ensemble de musique balinaise Giri Kedaton depuis 2015. Sa spécialisation en traditions musicales de l’Indonésie l’a amené à séjourner dans ce pays lors de l’année académique 2016-2017. Il a récemment complété la rédaction d’un mémoire portant sur la naturalisation du gamelan indonésien dans trois villes canadiennes (Montréal, Toronto et Vancouver). Laurent est également père de famille, fan de science-fiction et chanteur de death metal.